Il y a un peu plus d’un an, tout le monde s’interrogeait sur la manière de réussir le retour au bureau en présentiel après des mois de télétravail imposé. Aujourd’hui, le travail hybride s’est généralisé dans la plupart des emplois compatibles avec ce nouveau modèle. Mais sa gestion reste un défi majeur pour les entreprises.
« Le modèle hybride est devenu une norme. Dans un contexte où la grande majorité des personnes souhaitent continuer à télétravailler, les organisations qui font revenir tout le monde au bureau sont très rares », observe Manon Poirier, directrice générale de l’ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec (CRHA). Deux ou trois jours de présence par semaine constituent le modèle le plus courant, relève-t-elle.
Bien que prometteuse et stimulante, cette nouvelle organisation met une certaine pression sur les employeurs dans le contexte actuel de pénurie de main-d’oeuvre. « Il faut réussir collectivement ce mode hybride, pour ne pas être contraints de revenir en arrière. S’il est bien pensé, qu’il permet de créer des connexions, de la collégialité, de transmettre la culture d’entreprise et de promouvoir le sentiment d’appartenance tout en apportant de la flexibilité et de la latitude pour travailler, il offre un superbe modèle », lance Mme Poirier.
Tester et valider
Pour Isabelle Lord, présidente de Lord communication managériale et auteure du livre Gestionnaires inspirants. Les 10 règles de communication des leaders, les entreprises ne sont pas tenues de graver leur politique de mode hybride dans le marbre. Au contraire, l’heure est plutôt au bilan. « Dans les organisations de toutes tailles, le défi des employeurs est de prendre un pas de recul pour évaluer ce qu’ils ont mis en place », estime celle qui les pousse à rester ouverts. Il faut savoir s’ajuster en cours de route, quitte à faire marche arrière lorsque quelque chose ne fonctionne pas. « Ce n’est pas une marque de faiblesse. Au contraire, c’est une preuve d’adaptation de la part de l’employeur », souligne Mme Lord.
Ce dernier gagne à « rester à l’affût », en validant les façons de faire mises en place à l’aide de minisondages menés auprès des employés ou en prenant régulièrement le pouls de manière moins formelle. Un gestionnaire peut par exemple poser les bonnes questions ou tester une idée auprès d’un employé à l’occasion d’une rencontre.
« Ce geste concret sera ressenti comme une marque de considération et il donne l’occasion de s’assurer que la machine est bien huilée », conseille l’experte. Pour Manon Poirier, tester le mode hybride peut se faire sous forme d’un « projet pilote », qui permet de procéder aux modifications nécessaires.
« Certaines organisations commencent déjà à modifier leurs règles souples pour exiger des jours de présence, car elles se rendent compte qu’elles ont parfois du mal à faire venir leurs employés pour leur faire rencontrer quelqu’un, par exemple », observe-t-elle.
Expliquer les bienfaits du retour
L’un des défis des organisations est de donner du sens au retour des travailleurs au bureau. « S’ils s’assoient devant leur ordinateur et font exactement la même chose qu’à la maison ou au chalet, c’est difficile à vendre ! » lance Manon Poirier.
Les attentes des employeurs sont légitimes et doivent être mises en avant. « Nous sommes tous interdépendants. Reconnecter les humains entre eux et créer des moments de collégialité, ce n’est pas superflu », souligne la directrice générale. Isabelle Lord fait le même constat. « Les gens qui viennent au bureau parce qu’ils y sont obligés, mais qui travaillent avec leurs écouteurs parce qu’il y a trop de bruit, ne comprennent pas la valeur ajoutée de leur présence », dit-elle. L’ordinateur n’est pas à bannir du bureau, mais son utilisation doit être plus exceptionnelle qu’à la maison, pour éviter ce « faux sentiment d’être ensemble sans être ensemble » et redonner du sens à la collectivité de l’entreprise.
L’ordre des CRHA expérimente d’ailleurs dans sa propre organisation un modèle hybride flexible basé sur le sens et l’organisation du travail. « Nous avons défini quels moments charnières et activités ont une valeur ajoutée en présentiel », explique Manon Poirier. Les évaluations de rendement, les plans de développement et les lancements de projets réunissent les équipes physiquement.
« Lorsque nous lançons un projet, tout le monde est dans la même salle, décrit la directrice générale. Nous tapissons les murs de post-it et c’est un moment de synergie beaucoup plus efficace et créatif que si nous le réalisions à distance », estime-t-elle. Le reste du temps, les employés de l’ordre ont la liberté de travailler de chez eux. Pour Manon Poirier, ce fonctionnement offre moins de prévisibilité et s’explique moins clairement qu’un modèle basé sur un nombre de jours de présence, mais les commentaires des organisations qui le testent sont très positifs.
Impliquer les employés
Manon Poirier observe trop d’hésitations à inclure le personnel dans la gestion du modèle hybride. « Beaucoup d’organisations se disent qu’il ne faut pas impliquer les employés dans cette décision, par crainte qu’ils demandent tous de rester à la maison », observe-t-elle. Pourtant, une démarche inclusive donne des résultats positifs. « Lorsque les employés sont impliqués dans la réflexion et qu’ils sont eux-mêmes capables de nommer les avantages de revenir au bureau, c’est très mobilisant, quelle que soit la taille de l’entreprise », dit Mme Poirier.
Pour Isabelle Lord, la réussite du travail hybride repose sur un travail d’équipe et une responsabilité partagée. « L’employeur peut être exigeant sur ce qui est attendu de l’employé et doit être clair dans ses attentes. Cela facilite le travail de renforcement du gestionnaire pour permettre à l’employé d’y mettre du sien et de jouer le jeu », souligne-t-elle.
Au quotidien, l’entreprise doit prendre garde à traiter les gens qui travaillent à distance comme s’ils étaient là. Isabelle Lord prend l’exemple d’une réunion en mode hybride à laquelle elle a participé. « La directrice générale s’était assise tout près de l’écran pour échanger avec moi, et ses collègues étaient autour de la table derrière elle. Elle ne voyait pas ceux qui tentaient de lever la main pour parler », illustre-t-elle. En se plaçant plus loin sur la table, la directrice générale aurait inclus tous les participants dans son champ de vision. Mis bout à bout, ces gestes simples et utiles créent un environnement propice à l’interaction et à l’émergence d’idées. De quoi relever l’un des défis essentiels de l’entreprise, selon Isabelle Lord : « allumer l’intelligence collective ».
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